Motion du labo et du département sur la LPPR

Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche est paru sans qu’une phase de concertation entre le gouvernement et les principaux intéressés n’ait été organisée après les alertes et manifestations de cet hiver. Cette loi a été finalisée pendant le confinement, alors même que les membres de l’ESR, enseignants et chercheurs, BIATSS, doctorants et vacataires, ont dû gérer des demandes souvent contradictoires sur l’organisation et la validation des enseignements, sans le moindre soutien du ministère, malgré l’écrasante surcharge de travail que cela a constitué.
Ce projet augure d’une nouvelle dégradation des financements récurrents des laboratoires au profit de la recherche sur projet. Or, nous estimons qu’il est dans l’essence même d’un laboratoire d’être doté de moyens suffisamment substantiels et pérennes pour lui permettre d’élaborer et soutenir en toute liberté des actions scientifique à moyen et long terme, sans référence à l’ANR dont ce n’est explicitement pas le rôle. Le constat que nous faisons aujourd’hui dans un laboratoire tel que le nôtre est que cela est devenu impossible.

D’autre part, le projet prévoit l’introduction de postes en CDD bien rétribués et avec peu d’enseignement de type ‘tenure tracks’, pour un total qui pourrait représenter jusqu’à 25% des recrutements d’enseignants chercheurs chaque année dans notre pays, le coût de tels postes se faisant forcément au détriment du nombre total de postes offerts aux concours. La raison invoquée pour créer ce type de postes est celle du supposé manque d’attractivité de notre pays. Nous considérons cela contre-productif à divers égards :

Une bonne part de l'attractivité de la France en matière de recherche est due au fait que sa recherche publique propose des postes fixes. L’exemple des Mathématiques est patent. En outre, les moyens que l’État se propose de dégager pour créer de tels postes sont dérisoires si l’idée est de rivaliser avec la concurrence de pays encore plus libéraux que le nôtre, où les dépenses privées et publiques dans les universités sont bien plus importantes, ou avec celle de Google, Facebook ou autre Microsoft. Il se pourrait même que se voyant proposer un CDD de 6 ans, un jeune chercheur préfère largement tenter sa chance dans l’un des nombreux pays étrangers où ce type de poste sera bien mieux rémunéré.
Alors même que le nombre de postes ouverts aux concours de recrutement d’enseignants chercheurs dans les universités est en chute libre, une telle politique, en plus d’amputer encore un peu plus les départements d’enseignement, va automatiquement désespérer davantage les nombreux maîtres de conférences qui souffrent déjà beaucoup à l’heure actuelle d'une pénurie de postes qui ne leur permet pas d’être promus professeurs alors qu’ils le mériteraient amplement. Or, ces enseignants-chercheurs ne représentent-ils pas une part substantielle de l’avenir de notre système ?
Un jeune chercheur obtenant ce type de poste serait soumis à une forme d'obligation de résultat qui le mettrait sous des contraintes en rupture avec l’esprit qui préside aux statuts des meilleurs chercheurs recrutés jusqu’ici dans notre pays, notamment au CNRS, et qui leur accorde confiance et liberté. Dans la crise sanitaire que nous venons de traverser, s’ils n’avaient pas occupé un poste permanent, combien de jeunes et brillants chercheurs auraient répondu aux appels de leur institut de rattachement au CNRS à mettre entre parenthèses leurs travaux en cours pour prendre part à l’effort national ?
Notons aussi que le projet du gouvernement est totalement flou sur beaucoup de points, par exemple sur le statut exact réservé au bénéficiaire d’un tel CDD à l’issue de son contrat s’il est décidé qu’il est titularisé ou pas.
La mise en place de tels postes entraînera immanquablement une disparité dans les conditions d’exercice entre collègues d’un même établissement, et entre établissements, et marquera une rupture culturelle radicale, qui risque de porter atteinte à la cohésion qui fait la force de notre système de recherche.

En conséquence, si le projet de loi demeure en l’état, l’AG conjointe du LAGA et département de mathématiques de l’Institut Galilée se prononce en faveur de la non participation des membres du LAGA à tout comité de sélection destiné à pourvoir un tel type de poste, et invite tous ceux qui le souhaitent à signer un engagement en ce sens. Elle rejette également l’idée des CDI de contrat prévus par le texte.

Le projet du gouvernement ne prend pas non plus sérieusement en compte la question de la revalorisation des rémunérations de tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche dans notre pays. Or il est évident qu’au-delà de la diminution des postes d’enseignants chercheurs et de chercheurs ouverts aux concours, ainsi que ceux d’ITA et de BIATSS, c’est la dégradation du niveau de vie de ces acteurs qui rend le système moins attractif et le met globalement en grand danger.

De manière générale, les efforts financiers annoncés restent d’une part de l’ordre de la promesse à horizon encore flou, et d’autre part très faibles, à court terme a minima, eu égard aux enjeux et déclarations d’intention sur l’importance de la recherche scientifique (très loin des 1 % du PIB).

Ainsi, nous appelons à une suspension du projet actuel, et à l’ouverture de nouvelles discussions sur la programmation pluriannuelle de la recherche. Et nous appelons les autres laboratoires de l’Institut Galilée et plus largement de l’USPN à formuler une semblable position, quand ce n’est pas déjà fait.