Ngo Bao Chau, un ancien du LAGA, Médaille Fields 2010

Ngo Bao Chau a reçu la médaille Fields pour ses travaux sur le programme de Langlands et la démonstration du lemme fondamental à l’occasion du congrès mondial (ICM) à Hyderabad le 19 Aout 2010. (Consulter le site du ICM2010.)


Remarqué par ses enseignants à Hanoï il vient à l’Ecole Normale, puis fait sa thèse avec Gérard Laumon (Paris 11).

Ngo Bao Chau a été recruté comme Chargé de recherche CNRS au LAGA en 1998, il y a passé son Habilitation à Diriger des Recherches. Il reste au LAGA jusqu’en 2004, date de son recrutement comme Professeur à Paris 11. Actuellement à l’IAS (Princeton), Ngo Bao Chau arrive à l’Université de Chicago en septembre 2010.

Durant sa présence au LAGA, Ngo Bao Chau a effectué des pas décisifs en direction du lemme fondamental et a animé un séminaire entre l’IHES (Bures sur Yvette) et le LAGA .

Il a joué un rôle crucial dans le développement des relations mathématiques entre la France et le Vietnam, entre autres dans celui du master international de Hanoi (MIM) qui envoie chaque année une quinzaine d’étudiants de Master 2 en France.

L’Université Paris 13 a reçu 6 étudiants, dont 4 poursuivent actuellement leurs études en doctorat. Paris 13 s’apprête à en recevoir trois autres cette année.

De son fait, Paris 13 a été appelée à jouer un rôle très important dans cette coopération entre les communautés mathématiques françaises et vietnamiennes.

De plus, l’Université Paris 13 sera centre coordinateur pour le futur Laboratoire International Associé Formath Vietnam.

Nous espérons l’accueillir bientôt pour des visites à Paris 13.


Qu’est que le Lemme Fondamental ?

Dès ses premières années au laboratoire du LAGA de l’université Paris 13, Ngo Bao Chau, alors chargé de recherches, ambitionna de démontrer ce que les spécialistes appellent Le Lemme Fondamental. Il s’agit d’une égalité entre deux intégrales explicites mais que l’on ne sait calculer sinon dans de rares cas particuliers. Cette égalité est l’une des pierres angulaires de la fonctorialité, vaste programme dit de Langlands qui met en lien les différents domaines des mathématiques dites « pures » que sont l’arithmétique, l’analyse et la géométrie.

Dans le cas le plus simple, comme par exemple la fameuse fonction Delta de Ramanujan, une forme modulaire est une fonction analytique sur le demi-plan de Poincaré (les nombres complexes de partie imaginaire positive) qui est preservée par l’action d’un groupe de transformations de Poincaré et satisfait une condition de croissance. Plus généralement les formes modulaires peuvent être considérées comme des fonctions sur l’espace de module des classes d’isomorphie des courbes elliptiques. Les formes automorphes étendent au cas de plusieurs variables complexes la notion de formes modulaires.
Ce sont les objets fondamentaux de la théorie de Langlands associées à un groupe de Lie; sous ce point de vue, les formes modulaires sont des formes automorphes associées au groupe linéaire en dimension 2.

A ces formes automorphes on associe certaines fonctions de la variable complexe, méromorphes dites fonctions L, généralisant la fonction zéta de Riemann, qui admettent des équations fonctionnelles. Le sel du programme de Langlands est d’associer de telles fonctions L à différents objets mathématiques, des représentations (de groupes de Galois et de groupes de Lie), des équations diophantiennes (Une équation diophantienne, en mathématiques, est une équation dont les coefficients sont des nombres entiers et dont les solutions recherchées sont également entières. ) et de relier ces objets via leurs fonctions L.

Une formule développée par James Arthur à la fin du siècle précédent, la formule des traces, est l’outil fondamental pour relier entre elles ces fonctions L. Le lemme fondamental découvert par Labesse et Langlands en 1979 puis formulé en toute généralité par Langlands et Shelstad en 1987, regroupe toute une série d’égalité entre intégrales orbitales associées à différents groupes. Dans certains cas le lemme fondamental a été prouvé combinatoirement mais il semble probable que le cas général soit hors d’atteinte par ces techniques.

Au début des années 2000, Goresky, Kottwitz et MacPherson ont proposé une approche inédite; le principe consiste à interpréter les différentes intégrales à l’aide des points sur des corps finis de certains objets géométriques. Ils ont alors réussi à prouver le lemme fondamental modulo une conjecture dite de « pureté » sur un certain invariant algébrique la cohomologie de ces objets, conjecture qu’ils ont démontrée dans un cas particulier.

A la suite de ces travaux, de nombreux mathématiciens ont essayé de prouver cette conjecture sans succès. La contribution déterminante de Ngo Bao Chau durant ses années à Paris 13 (1999-2004) fut d’introduire de nouveaux objets géométriques étudiés par Nigel Hitchin dans le cadre de la physique théorique. Ces derniers sont une déformation de la géométrie de Goresky, Kottwitz et MacPherson. C’est à dire que l’on a une famille de tels objets, un membre étant celui à étudier et un autre étant plus simple au sens où pour ce dernier la conjecture de pureté est connue. Il s’agit alors de transporter l’information dans cette famille, travail qu’il a réalisé en commun avec Gérard Laumon.